Federal Food, Drug, and Cosmetic Act : fondement juridique des médicaments génériques aux États-Unis
En 1938, après la mort de plus de 100 personnes à cause d’un antibiotique toxique contenant du glycol de diéthylène, les États-Unis ont adopté une loi qui a changé pour toujours la manière dont les médicaments sont testés, approuvés et vendus. Cette loi, le Federal Food, Drug, and Cosmetic Act (FD&C Act), n’a pas été conçue pour permettre les médicaments génériques - mais elle en est devenue la base légale indispensable.
La loi qui a tout changé
Avant 1938, un fabricant pouvait vendre n’importe quel médicament sans prouver qu’il était sûr. Pas besoin d’essais cliniques. Pas de données. Pas de contrôle. L’elixir sulfanilamide, un traitement contre les infections, a été mélangé à un solvant industriel - et a tué des enfants, des femmes, des hommes. Le public a réagi. Le Congrès a agi. Le FD&C Act est devenu la première loi américaine exigeant que les nouveaux médicaments soient sûrs avant d’être mis sur le marché. C’est là que tout a commencé.La Food and Drug Administration (FDA) a été chargée de l’appliquer. Mais la loi de 1938 ne demandait pas de prouver l’efficacité. Ce n’est qu’en 1962, après le scandale du thalidomide, que les amendements Kefauver-Harris ont imposé la preuve d’efficacité. À partir de ce moment, tout nouveau médicament - même une copie - devait passer par des essais cliniques complets. Ce qui rendait la création de génériques presque impossible.
Le vrai tournant : les amendements Hatch-Waxman
En 1984, les États-Unis ont adopté une réforme qui a transformé le marché des médicaments : les amendements Hatch-Waxman. Nommez-les comme vous voulez - réforme, loi, accords - mais ce sont eux qui ont rendu les génériques viables. Avant cette loi, un fabricant voulant produire une copie d’un médicament devait refaire tous les essais de sécurité et d’efficacité. C’était aussi coûteux que de créer un nouveau médicament. Résultat : moins de 20 % des ordonnances étaient remplies par des génériques.Les amendements Hatch-Waxman ont créé une voie abrégée : l’Abbreviated New Drug Application (ANDA). Plus besoin de répéter les essais cliniques. Il suffit de prouver que le générique est pharmaceutiquement équivalent et bioéquivalent au médicament d’origine. Cela veut dire : même principe actif, même dose, même forme (comprimé, sirop, injection), et une absorption dans le sang presque identique - avec une marge de 80 à 125 % d’absorption comparée au médicament de référence.
La FDA ne vérifie plus si le générique guérit - elle vérifie s’il agit comme le médicament original. Et c’est suffisant. Grâce à cette règle, le nombre de génériques a explosé. Aujourd’hui, 90 % des ordonnances aux États-Unis sont remplies par des génériques. Mais ils ne représentent que 17 % des dépenses totales en médicaments. C’est là que réside l’énorme gain pour les patients et le système de santé.
Comment ça marche en pratique ?
Pour qu’un générique soit approuvé, le fabricant doit :- Identifier le médicament d’origine (appelé Reference Listed Drug ou RLD) dans le Orange Book de la FDA, qui liste tous les médicaments approuvés avec leurs équivalences thérapeutiques.
- Prouver qu’il a la même substance active, la même dose, la même forme et la même voie d’administration.
- Montrer la bioéquivalence grâce à des études sur des volontaires sains - mesurant la concentration du médicament dans le sang (AUC et Cmax).
- Respecter les normes de fabrication (cGMP) : qualité des matières premières, contrôle des processus, traçabilité des données.
- Étudier les brevets du médicament d’origine et déclarer si le générique conteste ou respecte ces brevets.
La FDA a mis en place une équipe dédiée - le Office of Generic Drugs - pour gérer ces demandes. En 2024, 95 % des demandes ANDA sont traitées en moins de 10 mois. En 1990, cela prenait plus de 30 mois. La modernisation des processus, soutenue par les amendements GDUFA (Generic Drug User Fee Amendments), a permis cette accélération.
Le piège des brevets et des stratégies de maintien du monopole
Les amendements Hatch-Waxman ont aussi créé un équilibre délicat. Pour encourager l’innovation, ils permettent aux fabricants de médicaments d’origine de prolonger leur brevet - jusqu’à 5 ans supplémentaires - pour compenser le temps perdu pendant l’approbation de la FDA. C’est juste. Mais certains ont abusé de ce système.Des entreprises ont commencé à déposer des dizaines de brevets mineurs sur un seul médicament - des variations de forme, de dosage, ou même de packaging. C’est ce qu’on appelle le evergreening. L’idée ? Bloquer l’entrée des génériques en créant un « buisson de brevets ». Des études montrent que pour les médicaments complexes - comme les inhalateurs ou les injections - l’entrée des génériques est réduite de 42 % à cause de ces stratégies.
Les fabricants de génériques ont aussi un avantage : s’ils sont les premiers à contester un brevet et à gagner, ils bénéficient de 180 jours d’exclusivité sur le marché. C’est un puissant incitatif. Mais certains grands laboratoires ont trouvé un contournement : ils lancent leur propre version générique - appelée authorized generic - juste avant que le premier générique n’entre sur le marché. Résultat : l’exclusivité est vidée de son sens. La Federal Trade Commission a dénoncé cette pratique en 2021, soulignant qu’elle coûte aux consommateurs des milliards de dollars par an.
Les risques de non-conformité
Produire un générique, ce n’est pas juste remplir un formulaire. C’est un processus rigoureux, contrôlé, audité. La FDA inspecte régulièrement les usines. En 2022, 47 lettres d’avertissement ont été envoyées à des fabricants de génériques pour des violations des bonnes pratiques de fabrication (cGMP). Les problèmes les plus courants ? Des contrôles de qualité insuffisants (32 %) et des données falsifiées ou manquantes (28 %).Les sanctions peuvent être lourdes : jusqu’à 1,1 million de dollars par violation. En cas d’intention malveillante, des poursuites pénales sont possibles. En 2023, une entreprise indienne a été condamnée à payer 100 millions de dollars pour avoir falsifié des données de bioéquivalence. Le message est clair : la FDA ne négocie pas sur la sécurité.
Le futur des génériques : complexité et innovation
Aujourd’hui, les génériques ne sont plus seulement des comprimés. Ils sont des nébuliseurs, des pommades, des dispositifs injectables complexes. La FDA travaille à adapter les règles pour ces produits. Des guides spécifiques sont en préparation pour les sprays nasaux, les suspensions ophtalmiques, et les thérapies à base de protéines. La loi CREATES de 2019 a aussi obligé les laboratoires d’origine à fournir des échantillons de leurs médicaments aux fabricants de génériques - pour éviter les blocages déguisés.Le marché des génériques a atteint 259 milliards de dollars en 2022. Les États-Unis en représentent 38 %. Et selon le Bureau du budget du Congrès, les politiques actuelles permettront d’économiser 158 milliards de dollars sur les dépenses publiques de santé d’ici 2032.
Un système qui marche - mais qui doit s’adapter
Le FD&C Act, créé en 1938, n’a pas été conçu pour les génériques. Mais les amendements de 1984 en ont fait le fondement juridique le plus efficace au monde pour les médicaments génériques. Il a permis d’économiser 2 200 milliards de dollars en dix ans. Il a rendu les médicaments accessibles à des millions de personnes. Il a encouragé la concurrence sans sacrifier la sécurité.Mais il n’est pas parfait. Les abus de brevets, les stratégies de maintien du monopole, les retards pour les produits complexes - tout cela menace l’équilibre. La FDA, le Congrès et les fabricants doivent continuer à ajuster les règles. Parce que le vrai but n’est pas de faire des génériques - c’est de faire en sorte que chaque Américain puisse se soigner, sans devoir choisir entre sa santé et son budget.
Qu’est-ce que l’ANDA et pourquoi est-il important pour les génériques ?
L’ANDA, ou « Abbreviated New Drug Application », est la demande simplifiée que les fabricants de génériques doivent soumettre à la FDA pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché. Contrairement aux demandes complètes pour les médicaments neufs, l’ANDA ne nécessite pas de répéter les essais cliniques. Il suffit de prouver que le générique est pharmaceutiquement et bioéquivalent au médicament d’origine. C’est ce qui rend la production de génériques rapide, abordable et scalable. Sans l’ANDA, les génériques n’existeraient pas comme on les connaît aujourd’hui.
Quelle est la différence entre un médicament d’origine et un générique ?
La seule différence réelle est le nom, l’emballage et le prix. Le principe actif, la dose, la forme (comprimé, gélule, injection) et la voie d’administration sont identiques. Les génériques doivent être bioéquivalents, ce qui signifie qu’ils se comportent de la même manière dans le corps. Les excipients (composants non actifs) peuvent varier légèrement, mais cela n’affecte pas l’efficacité ou la sécurité. Les génériques ne sont pas des « copies de mauvaise qualité » - ils sont rigoureusement testés pour être aussi sûrs et efficaces.
Pourquoi certains génériques mettent-ils tant de temps à arriver sur le marché ?
Les retards viennent souvent des brevets. Les fabricants de médicaments d’origine déposent des brevets secondaires pour bloquer les génériques, même sur des aspects mineurs comme la forme du comprimé ou le mode de libération. Les litiges juridiques peuvent durer des années. De plus, pour les médicaments complexes - comme les inhalateurs ou les vaccins - les exigences techniques sont plus élevées, et les méthodes de test sont encore en cours de standardisation. La FDA travaille à accélérer ces processus, mais la complexité reste un frein.
Qu’est-ce que le « Orange Book » et à quoi sert-il ?
Le « Orange Book » est un guide publié par la FDA qui liste tous les médicaments approuvés avec leurs équivalences thérapeutiques. Il indique quel médicament est le « médicament de référence » pour chaque générique, ainsi que les brevets associés. Les fabricants de génériques doivent consulter ce livre pour identifier les brevets à contourner ou à contester. C’est l’outil central pour la production de génériques aux États-Unis. Sans lui, il serait impossible de savoir quel médicament un générique peut légalement copier.
Les génériques sont-ils aussi sûrs que les médicaments d’origine ?
Oui. La FDA exige que les génériques répondent aux mêmes normes de qualité, de pureté, de stabilité et d’efficacité que les médicaments d’origine. Ils sont testés sur des milliers de volontaires, inspectés dans les usines, et surveillés après leur mise sur le marché. Des études indépendantes, y compris celles de l’Institut de médecine, ont confirmé que les génériques sont aussi sûrs et efficaces. Les différences de prix ne reflètent pas des différences de qualité - seulement des différences de coûts de production et de marketing.
Margaux Brick
Je viens de finir cet article et j’ai juste envie de dire : bravo pour la clarté. J’ai toujours cru que les génériques c’était du bidon, mais là, j’ai compris que c’est juste du bon sens. La FDA ne lâche rien sur la bioéquivalence, et c’est rassurant.