Lithium et NSAID : risques de néphrotoxicité et de toxicité systémique
Calculateur de risque de toxicité du lithium avec les AINS
Le lithium et les NSAID : une combinaison dangereuse
Vous prenez du lithium pour stabiliser votre humeur, et vous avez mal au dos, aux articulations, ou à la tête ? Vous pensez peut-être qu’un simple ibuprofène ou du naproxène ne peut pas faire de mal. Mais ce n’est pas vrai. Lithium et NSAID ensemble peuvent vous envoyer à l’hôpital - et parfois, ça laisse des dommages permanents aux reins.
Le lithium est l’un des traitements les plus anciens et les plus efficaces pour le trouble bipolaire. Depuis les années 1970, il a sauvé des vies en réduisant les risques de suicide. Mais il a une particularité : il est éliminé par les reins. Et quand les NSAID entrent en jeu, ils perturbent ce processus. Résultat ? Le lithium s’accumule dans votre sang. Très vite. Très dangereusement.
Comment ça marche ? Le mécanisme caché
Les NSAID - comme l’ibuprofène, le naproxène ou l’indométacine - bloquent une enzyme appelée COX-2. Cette enzyme produit des prostaglandines, des molécules qui aident les reins à garder un bon débit sanguin. Quand ces prostaglandines disparaissent, les reins réduisent leur filtration. Et comme le lithium est filtré par les reins, il reste coincé dans le corps.
Des études montrent que les NSAID peuvent faire augmenter le taux de lithium dans le sang de 20 à 60 %. L’indométacine est la pire : elle peut le faire doubler. Même l’ibuprofène, souvent considéré comme « inoffensif », augmente le lithium de 20 à 30 %. Et ce n’est pas une question de dose : même une seule prise peut suffire à déclencher un problème.
Le lithium, de son côté, agit déjà sur les cellules rénales. Il perturbe des voies cellulaires qui protègent les reins. Ajoutez-y les NSAID, et vous créez une double attaque : les reins sont étouffés par le manque de flux sanguin, et en même temps, leurs cellules sont directement endommagées par le lithium. C’est comme mettre du sel sur une plaie ouverte.
Les chiffres qui font peur
En 2023, une étude publiée dans JAMA Network Open a suivi plus de 12 000 patients sous lithium. Résultat : ceux qui prenaient un NSAID avaient 3,2 fois plus de risques de développer une lésion rénale aiguë. Et le pic de risque ? Dans les 30 premiers jours après le début du NSAID. Pour certains, c’était déjà trop tard après 72 heures.
Les personnes âgées sont les plus vulnérables. Chez les plus de 65 ans, plus de la moitié des cas d’insuffisance rénale liés au lithium étaient causés par un NSAID. Pourquoi ? Parce que les reins vieillissent. Ils filtre moins bien. Et ils réagissent plus fort aux perturbations.
Et ce n’est pas qu’une question de risque aigu. Sur cinq ans, les patients sous lithium + NSAID ont vu leur fonction rénale décliner 2,8 fois plus vite que ceux qui n’en prenaient pas. Ce n’est pas une simple baisse temporaire : c’est une détérioration chronique. Beaucoup finissent avec une insuffisance rénale permanente.
Quels NSAID sont les plus dangereux ?
Tous les NSAID ne sont pas égaux. Voici ce que disent les données :
- Indométacine : +40 à 60 % de lithium dans le sang - le pire
- Piroxicam : +25 à 35 %
- Ibuprofène : +20 à 30 %
- Naproxène : +20 à 30 %
- Celecoxib : +10 à 15 % - encore trop pour les reins fragiles
- Aspirine : <5 % - le moins dangereux, mais pas sans risque
Il n’existe pas de NSAID « sûr » pour quelqu’un qui prend du lithium. Même les « NSAID sélectifs » comme le celecoxib, souvent présentés comme « gentils pour les reins », augmentent toujours le taux de lithium. Et si vous avez déjà une insuffisance rénale (eGFR < 60), même 10 % d’augmentation peut être critique.
Et l’acétaminophène ? La bonne alternative
Si vous avez mal, il existe une alternative bien plus sûre : l’acétaminophène (paracétamol). Contrairement aux NSAID, il n’affecte pas les prostaglandines rénales. Les études montrent qu’il ne change pratiquement pas le taux de lithium - moins de 5 % d’augmentation.
Les recommandations des associations médicales sont claires : l’acétaminophène est la première ligne pour la douleur chez les patients sous lithium. Jusqu’à 3 g par jour est considéré comme sûr, à condition de ne pas le combiner à l’alcool.
Si l’acétaminophène ne suffit pas, la deuxième option est le tramadol, un analgésique opioïde léger. Il peut légèrement augmenter le lithium (10-15 %), mais surtout par effet de déshydratation - ce qui est gérable avec une bonne hydratation. Il ne doit être utilisé qu’à faible dose et sous surveillance.
Les opioïdes plus forts (comme la morphine) sont à éviter sauf en cas d’urgence, car ils déshydratent aussi. Et les NSAID ? Ils doivent être réservés aux cas très ponctuels : moins de 7 jours, avec une hydratation massive (3 litres d’eau par jour) et des contrôles de lithium deux fois par semaine.
Le piège des prescripteurs
Le plus effrayant, ce n’est pas la toxicité elle-même - c’est que presque personne ne la voit venir.
Une étude en 2023 a montré que seulement 58 % des médecins généralistes savent que les NSAID sont dangereux avec le lithium. Pourtant, 32 % des patients hospitalisés pour toxicité au lithium avaient reçu un NSAID par un médecin qui ne savait pas qu’ils en prenaient. Un patient voit son rhumatologue pour une arthrite, son médecin généraliste pour une migraine, son dentiste pour une infection - et personne ne se parle.
Les systèmes informatiques de santé ont des alertes, mais elles ne bloquent pas toujours. Même dans les grands hôpitaux américains, les alertes électroniques n’ont réduit les prescriptions combinées que de 35 %. En France, où les dossiers médicaux sont souvent fragmentés, le risque est encore plus grand.
Des patients racontent sur les forums avoir pris de l’ibuprofène pendant trois jours pour une tendinite, puis être tombés dans un état de confusion, de tremblements intenses, et avoir été hospitalisés en urgence. Certains ont eu des lésions rénales irréversibles. Ils n’avaient jamais été avertis.
Que faire si vous prenez du lithium ?
- Ne prenez jamais de NSAID sans consulter votre psychiatre ou votre néphrologue. Même un comprimé.
- Privilégiez l’acétaminophène pour la douleur légère à modérée.
- Hydratez-vous bien : 2 à 3 litres d’eau par jour, surtout si vous avez de la fièvre, de la transpiration ou une diarrhée.
- Surveillez vos signes d’alerte : tremblements, confusion, nausées, diarrhée, fatigue extrême, urination rare. Ce sont les premiers signes de toxicité.
- Si vous avez pris un NSAID par erreur, contactez immédiatement votre médecin. Un dosage sanguin de lithium peut être fait en 24 heures.
- Ne croyez pas que « c’est juste un petit coup de fatigue ». La toxicité au lithium peut ressembler à une grippe… jusqu’à ce que vous perdiez conscience.
Et après la fin du NSAID ?
Beaucoup pensent que dès qu’ils arrêtent le NSAID, tout rentre dans l’ordre. Ce n’est pas vrai.
Les effets sur les reins persistent 7 à 10 jours après la dernière prise. Le lithium continue de s’accumuler. C’est pourquoi les recommandations disent de surveiller les taux pendant au moins deux semaines après l’arrêt du NSAID.
Et si vous avez déjà une insuffisance rénale ? La règle est simple : évitez les NSAID à tout prix. Même une faible dose peut déclencher une crise rénale aiguë. Et dans ce cas, le lithium lui-même devient un risque. Certains patients doivent alors envisager de changer de traitement - comme le valproate ou la lamotrigine. Mais attention : le lithium reste le seul médicament qui réduit de 44 % le risque de suicide chez les bipolaires. Ce n’est pas un choix facile.
Le futur : des solutions en vue
Des chercheurs travaillent sur un nouveau traitement : un analogue de la prostaglandine E1. Il permettrait de protéger les reins pendant la prise de NSAID, sans bloquer l’élimination du lithium. En phase 2, les premiers résultats sont prometteurs : une réduction de 87 % de l’augmentation du taux de lithium.
En attendant, les autorités sanitaires imposent de nouvelles règles. Aux États-Unis, la FDA a exigé un avertissement en encadré rouge sur les boîtes de lithium. En Europe, les systèmes d’ordonnances électroniques doivent maintenant bloquer la prescription de NSAID si le patient est sous lithium - sauf si un néphrologue a donné son accord.
Malgré tout, en 2023, près de 29 % des patients sous lithium ont reçu au moins une ordonnance de NSAID. Et 39 % de ces cas concernaient des personnes âgées. C’est un échec collectif.
Conclusion : protégez vos reins, protégez votre vie
Le lithium vous permet de vivre. Mais un NSAID peut vous le faire perdre - sans que vous vous en rendiez compte. Ce n’est pas une interaction mineure. C’est une bombe à retardement.
Vous n’êtes pas seul. Des milliers de personnes vivent avec cette même peur. Mais vous pouvez agir. Parlez à votre médecin. Demandez une alternative. Vérifiez vos taux de lithium régulièrement. Et si vous avez mal, choisissez l’acétaminophène. C’est simple. C’est sûr. C’est vital.
La santé mentale ne se limite pas à l’humeur. Elle passe aussi par les reins. Et vous méritez de vivre sans danger.
Pourquoi les NSAID augmentent-ils le taux de lithium dans le sang ?
Les NSAID bloquent la production de prostaglandines, des molécules qui aident les reins à filtrer le sang. Sans elles, le débit sanguin rénal diminue, et les reins éliminent moins bien le lithium. Résultat : le lithium s’accumule dans le sang, ce qui peut provoquer une toxicité aiguë.
Quel analgésique puis-je prendre en toute sécurité avec le lithium ?
L’acétaminophène (paracétamol) est le seul analgésique recommandé comme première ligne. Il n’affecte pas la filtration rénale et ne modifie pas significativement le taux de lithium. Il est sûr jusqu’à 3 g par jour, à condition de ne pas consommer d’alcool.
Combien de temps faut-il surveiller le taux de lithium après avoir pris un NSAID ?
Il faut surveiller le taux de lithium pendant au moins 7 à 10 jours après la dernière prise de NSAID, car les effets sur les reins persistent longtemps. Les recommandations médicales préconisent des contrôles deux fois par semaine pendant les deux premières semaines.
Les NSAID « pour les reins » comme le celecoxib sont-ils sûrs ?
Non. Même les NSAID dits « sélectifs » comme le celecoxib augmentent le taux de lithium de 10 à 15 %. Pour une personne avec des reins déjà fragiles, cette augmentation peut être dangereuse. Aucun NSAID n’est considéré comme sûr chez les patients sous lithium.
Que faire si j’ai pris un NSAID par erreur ?
Arrêtez immédiatement le NSAID. Buvez beaucoup d’eau (2 à 3 litres dans les 24 heures). Contactez votre médecin ou votre psychiatre pour un dosage sanguin du lithium. Si vous avez des tremblements, de la confusion, des nausées ou une urine réduite, allez aux urgences - c’est une urgence médicale.
Le lithium est-il plus dangereux avec l’âge ?
Oui. Avec l’âge, la fonction rénale diminue naturellement. Les personnes de plus de 65 ans ont un risque 2 à 3 fois plus élevé de toxicité au lithium lorsqu’elles prennent un NSAID. C’est pourquoi les recommandations sont encore plus strictes chez les seniors.
Puis-je utiliser des crèmes ou patchs à base de NSAID ?
Même les formes topiques (crèmes, patchs) peuvent être absorbées dans le sang, surtout si appliquées sur une grande surface ou sur une peau endommagée. Elles ne sont pas sans risque. Préférez toujours l’acétaminophène oral ou des méthodes non médicamenteuses (physiothérapie, chaleur, repos).
Quels sont les signes d’une toxicité au lithium ?
Les premiers signes incluent : tremblements fins des mains, nausées, diarrhée, soif excessive, urination réduite, fatigue intense, confusion, troubles de la parole ou de la coordination. En cas de doute, consultez immédiatement - une toxicité non traitée peut entraîner des convulsions, un coma ou la mort.
Le lithium peut-il endommager les reins même sans NSAID ?
Oui. Le lithium peut provoquer une néphropathie chronique à long terme, même sans NSAID. C’est pourquoi une surveillance régulière de la fonction rénale (eGFR et créatinine) est obligatoire chez tous les patients sous lithium, au moins une fois par an.
Existe-t-il des alternatives au lithium pour éviter ce risque ?
Oui, des alternatives comme la lamotrigine, le valproate ou l’olanzapine existent. Mais aucune n’est aussi efficace que le lithium pour prévenir les suicides. Le choix doit être discuté avec un psychiatre spécialisé. Pour beaucoup, le bénéfice du lithium l’emporte sur les risques - à condition de bien gérer les interactions médicamenteuses.
Albertine Selvik
lithium + ibuprofène = mauvaise idée. point.
Isabelle Bujold
Je suis infirmière en psychiatrie depuis 18 ans, et je peux vous dire que ce qu'on voit dans les urgences quand un patient bipolaire prend un NSAID sans le savoir... c'est effrayant. Un gars de 42 ans, stable depuis 5 ans, prend un ibuprofène pour une tendinite, et 48h plus tard, il est en confusion mentale, tremblements, vomissements. Taux de lithium à 1,8 mmol/L. Normal c'est 0,6 à 1,0. Il a failli avoir des lésions cérébrales permanentes. Les gens pensent que c'est juste « un anti-inflammatoire », mais non. C'est une bombe à retardement pour les reins. Et ça ne dépend pas de la dose. Même un seul comprimé peut suffire si les reins sont déjà un peu fatigués. Et les vieux ? C'est une catastrophe. Leur filtration glomérulaire diminue naturellement, donc ils n'éliminent pas le lithium comme avant. On a eu un cas chez une dame de 78 ans qui prenait du naproxène pour ses douleurs articulaires. Elle est passée d'une clairance rénale de 60 à 30 en 10 jours. Elle est maintenant en dialyse. Et elle ne comprenait même pas pourquoi. Personne ne lui avait dit. Les médecins, parfois, oublient de parler de ces interactions. On parle du lithium, de la pression artérielle, de la thyroïde, mais on oublie le simple ibuprofène du dimanche. C'est tragique. Il faut que les pharmaciens en parlent plus. Que les fiches de médicaments soient plus visibles. Et surtout, que les patients soient éduqués. Pas juste « évitez les NSAID », mais « voici pourquoi ça peut vous tuer lentement ». Et oui, même le celecoxib, qu'on croit plus sûr, reste dangereux. Il n'y a pas de NSAID « doux » pour quelqu'un sous lithium. Juste des niveaux de danger différents. Et la pire partie ? C'est que les symptômes apparaissent tard. Parce que les reins se dégradent silencieusement. Vous ne sentez rien. Jusqu'au jour où vous ne pouvez plus uriner. Alors, si vous êtes sous lithium : demandez à votre médecin une alternative. Le paracétamol, oui. Les analgésiques locaux, oui. Les massages, la physio, le froid, le repos. Mais pas d'anti-inflammatoires. Jamais. Sans consultation. Jamais.